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Kabila, démocrate ou brasseur des partis ?

De tous les chefs d’Etat qu’a connus la République  Démocratique du Congo, Joseph Kabila est un cas unique. 18 ans de règne mais aussi d’intrigues, de camouflage et de transhumance pour déployer une machine politique famélique qui n’a cessé de séduire même les opérateurs politiques et sociaux aux  idéologies les plus radicalement opposées. Un politique qui se nourrit des partis et visions politiques pour être en bonne santé. Sans avoir fréquenté les académies les plus prestigieuses du monde, le « Raïs » comme l’appellent affectueusement ses partisans, s’est hissé au zénith de la sphère politique congolaise comme un faiseur des rois incontournable. Zoom sur ce personnage qui a réussi à déplacer les montagnes et à aplanir les divergences en ralliant ses opposants les plus farouches à sa vision.

C’est en 2001 que Joseph Kabila arrive au Palais de la nation à la faveur d’un coup de l’assassinat de Mzee Laurent Désiré Kabila. Il éloigne plusieurs caciques  proches de son feu père et s’entoure tour à tour de quelques figures pour son initiation politique notamment de Théophile Mbemba, Augustin Katumba Mwanke mais aussi de Samba Kaputo qui seront rejoints plus tard par Pierre Lumbi, Evariste Boshab, Raymond Tshibanda, Néhémie Mwilanyi, Yerodia Abdoulaye, Alexis Tambwe Mwamba, Kikaya Bin Karubi, Antoine Ghonda, Vital Kamerhe, John Numbi, Kalev Mutomb, Amisi Tango Four, Didier Etumba, Aubin Minaku, Célestin Mbuyu, Crispin Atama, Martin Kabwelulu, André Kimbuta, Ramazani Shadary…

L’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) étant désarticulée après les démêlées de Mzee LD Kabila avec ses parrains rwandais, le nouveau régime va défaire les Comités de pouvoir populaire (CPP) pour se créer son propre parti, le Parti du Peuple pour la reconstruction et la Démocratie (PPRD).

Partage du gâteau

Dans un contexte de crise politique et de guerre, Joseph Kabila engage le dialogue pour réunifier le territoire national. Et à l’issue du dialogue de Sun City, il réussit à charmer les chefs rebelles pour rejoindre le navire du régime pour une transition de 3 ans. Partager le gâteau deviendra ainsi le mode opératoire  pour taire et séduire les contestataires.

C’est en 2006 alors que le Constituant réaffirme les élections comme mode d’accession au pouvoir que le Président Kabila entame sa stratégie « boa » pour obtenir l’adhésion des forces politiques congolaises à sa vision. A en croire, un cadre du  FCC ayant requis l’anonymat, le Président Kabila a refusé de se présenter aux élections de 2007 sous le label du parti présidentiel PPRD, parce qu’il voulait être porté aussi par d’autres partis de l’Opposition afin d’affaiblir ses adversaires.

Et pour augmenter ses chances face au parti pro rwandais le RCD/Goma, le MLC de Jean Pierre Bemba, les Forces du Futur d’Arthur Z’Ahidi Ngoma, l’UDPS d’Etienne Tshisekedi et bien d’autres, les bonzes du PPRD créent l’Alliance de la Majorité Présidentielle pour porter la candidature du Président Kabila. Cette Alliance ne tardera pas de devenir une constellation de nombreux partis aux idéologies disparates mais pas suffisante pour donner la victoire à Joseph Kabila au premier tour de la Présidentielle.

Il convient de signaler à ce stade que de tous les partis appâtés par les postes, seul le PALU (Parti Lumumbiste Unifié) a refusé de se faire avaler comme les autres. Antoine Gizenga impose une charte qui fera de son parti, un allié de l’AMP et non un biscuit à croquer.  Et Joseph Kabila, requinqué par le PALU d’Antoine Gizenga, va l’emporter sur Jean Pierre Bemba, le seul de ses vice-présidents à ne lui avoir pas fait de cadeaux.

 Le débauchage en marche

A l’absence d’Etienne Tshisekedi qui a boycotté les élections pour irrégularités, le deuxième tour imposé par Jean Pierre Bemba en 2007 a été considéré comme un crime de lèse majesté à l’Alliance de la Majorité Présidentielle, indique un observateur indépendant. La famille présidentielle va alors amorcer de nouvelles manœuvres pour s’assurer une bonne santé politique et rafler le 2ème mandat en 2011. La stratégie tapie sur le débauchage des hauts cadres dans les rangs de l’Opposition et le dédoublement des partis, sera couronnée de succès grâce aux aménagements apportés sur l’arsenal juridique notamment la suppression du second tour à la présidentielle. L’AMP deviendra alors MP placée sous la houlette d’Aubin Minaku, alors SG du PPRD jusqu’à sa nomination comme président de l’Assemblée nationale.

L’arrestation de Jean Pierre Bemba par la CPI sera une aubaine pour le Président Kabila de séduire contre des postes plusieurs cadres du Mouvement de Libération du Congo (MLC) notamment Olivier Kamitatu, Lucien Busa, José Makila, Thomas Luhaka, Germain Kambinga… et à l’UDPS on peut citer les plus en vue Samy Badibanga et Bruno Tshibala.

Comme c’est la norme, les débauchés des grands partis ont soit créé leurs propres partis ou manœuvrer pour le dédoublement de leurs partis d’origine afin de nourrir le nouveau mentor et tenter de survivre.

Cependant, la plupart de ces leaders de partis ont eu de la peine à convaincre leur base de les suivre dans leur nouvelle orientation.

 L’alternance à la Poutine

A la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel, le grand maestro de la scène politique congolaise n’a pas hésité de consolider sa boulimie politique, en mettant en place une méga-plateforme qui vient de ravaler 90% de partis, associations et personnalités politiques de la RDC.

Même si cette machine politique n’a pas réussi à faire élire son dauphin Emmanuel Ramazani Shadary, elle a le mérite d’avoir garanti le premier transfert pacifique du pouvoir au sommet de l’Etat mais aussi de maintenir l’influence du Président Joseph Kabila sur la scène en rallier ce qui restait de la fille ainée de l’opposition radicale en RDC, l’UDPS de Félix Tshisekedi.

Comme en 2006 avec Gizenga, Kabila a réussi à affaiblir l’opposition et la contestation  grâce au ralliement  de l’UDPS de Félix Tshisekedi et son allié UNC Vital Kamerhe. Une alliance pas totalement acquise et encore en dents de scies, en raison de la difficulté de son successeur à se placer aux antipodes de la vision de son parti où le dictat de la base semble incontournable.

Contrairement aux cas antérieurs où il offrait des postes ministériels et la Primature pour séduire ses adversaires, Joseph Kabila n’a pu épargner, cette fois-ci, son fauteuil pour imposer à l’UDPS une cogestion du pays avec le FCC, sa famille politique. Cette stratégie à la Poutine lui permet finalement de rester toujours présent et influent sur la scène politique dans la mesure où sa famille politique dispose de la majorité parlementaire dans les assemblées provinciales et à l’Assemblée nationale. Cette majorité lui donne droit de proposer le Chef du Gouvernement à Félix Tshisekedi, de dicter les politiques nationales, de  monter et démonter les arguments lui faisant ombrage.

Les signes de son influence sont perceptibles, si l’on fait foi au lynchage médiatique sur ses audiences, son imposant cortège, ses descentes pompeuses dans les cérémonies officielles et la kyrielle de rencontres avec les ténors du FCC et des Chefs d’Etat africains en visite à Kinshasa.  Le retard observé dans la nomination du Premier Ministre deux mois après l’investiture de Félix Tshisekedi,  laisse planer l’ombre d’un scénario à la Poutine –Medvedev. Mais la base de l’UDPS est loin d’avaler cette pullule amère. Les premières contradictions sont apparues avec la débâcle du nouveau parti présidentiel aux élections des bureaux définitifs et des sénateurs.

Force est donc de constater qu’en dépit du grand nombre de partis politiques qui ont adhéré à sa vision, le Président Kabila n’a gagné que très difficilement aux différents scrutins présidentiels soumis au suffrage universel. Selon des observateurs avisés, cela est une preuve que l’homme de Kingakati a mieux servi la classe politique que le peuple durant son règne. L’enrichissement vertigineux des  dirigeants face à la misère criante des Congolais suffit pour s’en convaincre.

« Joseph Kabila ne doit pas se frotter les mains d’avoir obtenu une coalition avec l’UDPS ; cela ne suffit pas pour espérer revenir au Palais de la Nation dans les prochaines années », estime un activiste de la Société Civile oeuvrant au sein de Zibula Meso ASBL. Pour lui, le Président honoraire ferait une amende honorable en disparaissant  de la scène politique et se consacrer beaucoup plus aux œuvres philanthropiques à l’intérieur du pays afin d’espérer faire face à l’ascension des leaders de  LAMUKA en 2023.

Mais l’homme de Kingakati ne tarit pas en inspiration. Il ne manquera pas sans doute de séduire quelques pionniers de LAMUKA au moment où une guerre de leadership arrivait à éclater entre les sociétaires de cette plateforme.

Au regard de tout ce qui précède, on peut conclure que Joseph Kabila est le plus fin politique qu’ait connu la RDC et qui a réussi, contre vents et marées, à mobiliser 90% de la classe politique congolaise sur sa voie afin d’instaurer une pensée unique dans le pays.

Le Mandat

 

 

 

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