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Delphin Kahimbi : le compte à rebours !

Après une année d’alternance commémorée dans la méfiance totale, la coalition au pouvoir a-t-elle commencé à bouffer ses propres enfants ? C’est le constat de nombreux analystes après la mort du Général Delphin Kayimbi, chef d’état-major adjoint des FARDC en charge des renseignements militaires, suivie, quelques heures après, de celle de Léon LUKAKU, chef des services de contre-espionnage à l’Agence nationale.  En attendant l’issue des enquêtes annoncées par le haut commandement militaire pour élucider le mystère qui entoure la mort de celui qui était le confident, voire le complice et compagnon de lutte de l’ancien président Joseph Kabila, les suspicions font bon ménage à Kinshasa. Et sur la liste des coupables présumés, les deux mentors de la coalition sont visés. Mais qui de Félix Tshisekedi et de Joseph Kabila tirerait réellement le bénéfice d’un tel crime ? Analyse.

C’est le Haut commandement militaire qui, après sa réunion du vendredi 28 février 2020, avait annoncé officiellement la mort dans la matinée, du général Delphin Kahimbi, en promettant une enquête à laquelle serait associée la police scientifique pour élucider les circonstances et les causes du décès du patron des renseignements militaires. Le général  Kilumba Don de Dieu, sous chef d’état-major en charge de l’Administration, qui avait donné lecture du communiqué, au nom du chef d’état-major général, le général Célestin Mbala Musese, a promis d’annoncer les conclusions des enquêtes au cours d’une communication ultérieure du haut commandement militaire de la République démocratique du Congo.

Deux récits contradictoires

Interrogées pour expliquer les circonstances du général, son épouse et sa fille ont livré deux récits qui renforcent le doute dans l’opinion. Selon son épouse Brendha Kahimbi, le patron des renseignements militaires congolais serait foudroyé par une crise cardiaque le matin à son domicile et toutes les tentatives de réanimation se sont soldées par un échec. Conduit à l’Hôpital du Cinquantenaire, le vaillant officier des FARDC a rendu l’âme, a expliqué sa femme. Mais sa fille a plutôt évoqué une pendaison car un pagne aurait été trouvé au cou du corps sans vie du général Kihimbi.

Crise cardiaque, suicide ou assassinat ?

Le mystère semble encore très  épais et une autopsie a été ordonnée dans le cadre de l’enquête annoncée par le Haut commandement militaire pour tenter de dissiper les zones d’ombre. Et ces versions ravivent les spéculations dans les médias et les réseaux sociaux à travers lesquels les lieutenants de la Coalition au pouvoir s’entraccusent soit directement soit de manière à peine voilée.

Il est importe de signaler que la mort du général Delphin Kahimbi intervient au moment où il était en résidence surveillée chez lui, sous la responsabilité du parquet militaire, suspendu de ses fonctions le 28 février 2020, empêché une semaine avant de se rendre en Afrique du Sud pour y poursuivre des soins médicaux et convoqué à plusieurs reprises ces derniers jours à la Présidence de la République pour répondre à plusieurs accusations notamment ses liens avec des groupes armés, une tentative de déstabilisation du régime. Le vendredi de sa mort, il devait comparaitre devant le Conseil national de sécurité.

 Colère et regret chez les alliés

Les circonstances de la disparition du général Delphin Kihimbi révoltent visiblement les bonzes du FCC  qui voient dans ce crime la main noire de son allié,  Cap pour le Changement (CACH).  Le député national Félix Kabange Numbi parle d’une disparition brutale qui met à mal l’équilibre fragile des institutions du pays.

Joseph Kokonyangi, un haut cadre du PPRD, n’est pas passé par le dos de la cuillère en promettant une vengeance de sa famille politique.

Pour l’ancien ministre de la Défense Crispin Atama Tabe, la mort du général Delphin Kahimbi est suspecte, et  il aurait souhaité que cet officier militaire  aille en prison s’il avait commis des actes répréhensibles.

 

Mais au CACH, on soupçonne plutôt le FCC d’avoir signé ce crime pour empêcher cet officier des renseignements militaires de faire de nouvelles révélations sur un complot visant à déstabiliser Félix Tshisekedi mais aussi sur d’autres graves accusations qui pesaient sur lui. Pour enfoncer le couteau dans la plaie, les exactions dont serait  coupable le feu général affolent les plateformes numériques de l’UDPS bien que le Chef de l’Etat ait ordonné, quant à lui, des enquêtes pour déterminer les causes de la mort de Delphin Kihimbi.

Du côté de l’Opposition, c’est aussi l’étonnement. Cette mort étrange viserait à faire taire le général Kahimbi. « Nous tous, nous attendions aujourd’hui son audition et à la place c’est l’information de sa mort. Une personne poursuivie, soupçonnée d’activités subversives contre la République, si cette source d’information disparait comme ça avant son audition, ça inquiète un peu. L’a-t-on fait taire ? On ne sait pas », s’est interrogée la députée nationale et secrétaire général du MLC, Ève Bazaiba.

Même sentiment de regret à la Société civile congolaise où Me Georges Kapiamba de  l’ACAJ regrette surtout que le défunt ne puisse plus faire face à la justice. « Nous regrettons, avec les victimes, le fait qu’il soit parti avec tous les secrets, toute la vérité qu’il aurait dû expliquer devant un juge compétent. C’est aussi une perte énorme pour la lutte contre l’impunité parce que sa version des faits aurait pu permettre à la justice d’identifier les auteurs et les complices de toutes les violations graves des droits de l’homme. »

La  mort dans le pot

Des réactions diverses découlent une série de questions qui taraudent le commun de mortels. Quel intérêt avait Félix Tshisekedi d’éliminer ou faire taire une personne qui lui avait déjà livré et devrait encore lui fournir plusieurs informations sur le projet macabre contre le régime? Pour Joseph Kabila, sacrifierait-il un vieux compagnon de lutte dont il a encore besoin pour mener avec succès ses futurs agendas comme par le passé? Un officier de la trempe de Kahimbi pouvait-il être effacé sans l’accord préalable des patrons de la coalition au pouvoir ?

A la première question, le FCC pense que Félix Tshisekdi aurait  commandité l’élimination du général Delphin Kahimbi pour stopper le plan de déstabilisation qui le vise.

A la deuxième question, le CACH pense que Joseph Kabila aurait éliminé ce haut officier des renseignements pour l’empêcher de le mettre  à nu dans les dossiers sales dont il était accusé.

A la troisième question, les observateurs évoquent l’hypothèse d’un consensus au sommet pour répondre à la pression américaine contre les auteurs des exactions commises en RDC.

Même si à l’impossible ces versions seraient vraies, deux autres questions méritent d’être posées : Delphin Kahimbi était-il le seul à vouloir renverser le régime ou le seul à connaître les «  secrets » du locataire de Kingakati ? Son élimination mettrait-il vraiment fin aux ennuis contre les deux autorités morales de la coalition FCC-CACH ? Bien sûr que non.

Pour certains analystes, si la thèse de l’assassinat se confirme, il ne peut être que le fruit d’un consensus entre les deux sommités de la coalition pour répondre à la pression des Américains qui avaient cet officier militaire sous sanctions.

Point de vue rejeté par d’autres  observateurs qui estiment que la mort du général Kihimbi serait la réponse à une stratégie vise à affaiblir l’influence de l’ancien Président Joseph Kabila, comme souhaitée par les américains.

Ce qui aurait justifié la prompte réaction de satisfaction de la Maison Blanche après la suspension du général Delphin Kihimbi visé par des sanctions américaines.

A travers un Twitter de son Secrétaire d’État en charge de l’Afrique, les USA  s’est dit ravi de « voir le gouvernement de la RDC prendre des mesures pour mettre fin à l’impunité ».qui avait placé le patron des renseignements militaires congolais sous sanctions. Même ton de l’envoyé spécial américain dans les Grands Lacs Peter Pham qui était dernièrement en visite à Kinshasa avait réaffirmé à cette occasion que personne ne devrait être  au-dessus de la loi.

Qu’elle soit liée à une crise cardiaque ou à une autre raison, la disparition du général Delphin Kahimbi porte une sévère atteinte à l’avenir de la coalition et de l’alternance démocratique. La cohabitation voulue par les ténors du FCC et du CACH n’a sa chance de survie que si ces derniers ne renient pas de travailler ensemble dans le respect et la confiance mutuelle. Mais tout appétit de suprématie  sur l’autre serait porteuse des germes de déstabilisation voire de trahison.  Pour éviter au Président Félix à passer tout ce temps à régler les querelles intestines entre les forces du CACH qui veulent s’affranchir et celles du FCC qui luttent pour  un nouveau repositionnement et la survie politique, la tenue d’un dialogue apparaît urgente afin de cimenter le pacte d’une vraie alternance avec le peuple.  Agir autrement ouvrirait la voie à un compte à rebours qui risque de faire basculer le pays dans un saut dans l’inconnu.

Le Mandat

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