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Réchauffement diplomatie: A quel prix Félix Tshisekedi veut-il renouer avec Israël et les USA ?

Depuis la vente des minerais stratégiques congolais aux Etats rebelles à l’hégémonie américaine comme l’Iran, le Kazakhstan, la Corée du Nord, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Liban, etc., la coopération entre l’empire Israélo-américain et Kinshasa était tombée au point mort. Et le président sortant Joseph Kabila qui a ouvert ce marché, était devenu désormais indésirable et devait ployer, pendant près de deux décennies, sous le coup d’une pléthore de groupes armés entretenus  par le Rwanda, partenaire privilégié et soutenu par ces puissants du monde, juifs et américains, dans la région des Grands Lacs.

A la surprise générale, le Président Félix Tshisekedi, allié de Joseph Kabila, s’est démarqué de ses pairs africains à Washington en annonçant son soutien inéluctable au Plan de paix de l’administration Trump, lequel plan est jugé trop défavorable aux Palestiniens. Un revirement diplomatique à 160° pour le 1er Vice-président de l’Union Africaine, lequel suscite une trombe de commentaires.

Le président Félix Tshisekedi le 1er mars 2020 devant l’AIPAC, vitrine du lobby pro-israélien aux Etats-Unis. (© Twitter Présidence)

La République démocratique du Congo aura bientôt un ambassadeur en Israël, une première depuis vingt ans. Et le président Félix Tshisekedi l’annoncé le 1er  mars dernier à Washington à la tribune du congrès de l’AIPAC (American Israel Affairs Comitee), le puissant groupe de pression pro-israélien. Cette annonce solennelle de la reprise des relations diplomatiques de haut niveau de la RD Congo avec Israël, a été accueillie par une salve d’acclamations pleine de significations.

Depuis vingt ans, un simple chargé d’affaires représentait la RDC à Tel Aviv, depuis vingt ans. Un ambassadeur devrait être nommé incessamment et une partie de l’ambassade, notamment son antenne économique, devrait s’installer à Jérusalem, la capitale mondiale du christianisme. Par la même occasion, Félix Tshisekedi a réaffirmé par  son soutien au plan de paix au Proche-Orient de l’administration Trump. Le plan a pourtant été rejeté par la majorité de la communauté internationale, notamment par l’Union africaine car jugé très défavorable aux Palestiniens.

Comment expliquer un tel tournant, pro-israelien de la part du nouveau pouvoir congolais alors que les relations entre les deux pays étaient jusque-là quasiment inexistantes ? S’agit-il d’une politique dictée par des considérations internes, ou d’un désir à satisfaire les Églises de Réveil, puissantes en RDC ?

Selon des observateurs avisés, les principales communautés évangéliques des Etats-Unis soutiennent la politique israélienne au Proche-Orient. Et en tant fidèle d’une Eglise pentecôtiste à Kinshasa, le président Félix Tshisekedi a exprimé, versets bibliques à l’appui, son désir de tisser avec Israël « des liens forts et une alliance » dans laquelle la RDC sera « une bénédiction pour la nation d’Israël, selon la promesse de l’Eternel qui dit à Abraham dans Genèse 12:3 ; ‘Je bénirai ceux qui te béniront’ ».

Pourquoi a-t-il choisi de naviguer à contre courant ?

Dans son interview à TV5 Monde, Bob Kabamba, politologue, spécialiste de la République démocratique du Congo, pense que la prise de position du Président Félix Tshisekedi n’est le fruit d’une quelconque pression des communautés évangéliques congolaises.

L’opinion publique congolaise reste très pro-palestinienne“, affirme le chercheur qui estime que l’annonce de ce rapprochement reste surprenante dans la mesure où Félix Tshisekedi vient de prendre à contre-pied les positions de l’Union Africaine dont il est le Vice-Président.

Le sud-africain Cyril Ramaphosa qui est à la tête de l’Union africaine, avait tenu des propos assez durs contre le plan de paix de Donald Trump. L’Union africaine s’est clairement prononcée le 10 février 2020, contre « ce plan qui ne reconnaît pas aux Palestiniens la possibilité de constituer un Etat », a expliqué  dans une interview Bob Kabamba, chercheur à l’université de Liège en Belgique.

Le président de la RDC prend le risque de l’isolement sur le continent“, ajoute le chercheur. Félix Tshisekedi veut également mettre en place une coopération avec Israël notamment sur les questions agricoles.

“Les investissements israéliens en RDC envisagés n’auront pas le poids qu’aurait pu avoir l’argent des pays arabes du Golfe, notamment celui des Émirats arabes unis”, estime Bob Kabamba.

Pourquoi une telle position ? S’il s’est agi de l’argent dont Félix a besoin pour financer son programme, il aurait gardé la position de ses pairs africains et brasser les milliards des économies arabes. La raison est à chercher plutôt dans les rapports tumultueux entre Kinshasa et Washington.

A en croire certaines langues, Félix Tshisekedi entend harmoniser la coopération avec les USA et Israël, principaux alliés du Rwanda qui mènent la guerre dans l’Est de la RDC, après près de 20 ans d’hivernage.

Ce rapprochement permettra, selon des sources concordantes d’obtenir le soutien des mêmes alliés pour dissuader le Rwanda, principal parrain des groupes armés qui écument l’Est de la RDC.

Cependant, ce rapprochement ne saurait être possible sans divorce avec le FCC. Car l’administration Trump ne veut plus entendre parler de l’influence de Joseph Kabila jugé responsable de l’instabilité et du pillage des minerais dans le pays.

Après près de 20 ans de règne, Washington veut tourner la page Kabila, affirme le politologue Bob Kabamba, et n’entend pas lever ses sanctions contre ses proches malgré le plaidoyer de Félix Tshisekedi l’année dernière à Washington. Fatshi va-t-il finalement lâcher Joseph Kabila pour célébrer ses noces avec les USA et Israël ou va-t-il amené ses nouveaux partenaires à comprendre qu’il ne constitue plus une menace pur leurs intérêts ?

Pression de Washington

Avec une majorité écrasante obtenue par sa famille politique aux législatives nationales, provinciales, sénatoriales et gouvernorales, Joseph Kabila reste omniprésent dans le sérail. UDPS, le parti présidentiel sans ses alliés, n’a pas pu remporter qu’une trentaine de sièges sur les 500 que compte l’Assemblée nationale. Aussi, la formation politique présidentielle ne contrôle qu’une seule province sur 26.

« Ses fidèles contrôlent encore l’appareil de l’État. Et Félix Tshisekedi subit de fortes pressions de la part de Washington pour mettre fin à l’État Kabila. Le président congolais a essayé de remanier l’état-major de l’armée mais la route est encore longue et cela prend du temps. Washington  ne cesse de répéter à Tshisekedi qu’il est obligé. Son élection a été contestée par son adversaire Martin Fayulu. Et Washington a fait le choix Félix Tshisekedi“, décrit le politologue Bob Kabamba.

Une question taraude pourtant les esprits. La paix recherchée par le Chef de l’Etat dans l’Est, sera-t-elle possible en créant de nouvelles frictions avec son principal allié au sein de la coalition,  et avec ses pairs africains ? Une question qui appelle à réfléchir pour ne pas tomber dans le piège d’aggravation de la crise, lequel risque de transformer le Congo en une nouvelle République bananière.

Déjà le discours du Chef de l’Etat devant l’AIPAC  n’a pas fait l’unanimité chez les Congolais. Le mouvement citoyen LUCHA craint que l’ambassade de RDC se mette à déménager à Jérusalem comme l’ont fait les États-Unis.

La Lucha rappelait dans un communiqué : « Jérusalem est, de par son histoire, un lieu qui appartient aux juifs, aux arabes comme aux chrétiens. La considérer comme seule capitale d’Israël, c’est accepter sa privatisation ».

Du côté américain, c’est le satisfecit. L’ancien diplomate américain Herman Cohen estime que la courte visite du président congolais Félix Tshisekedi aux USA où il a participé à la conférence AIPAC 2020, a été couronnée de succès. En conséquence, la RDC bénéficie d’un solide soutien du FMI et de la Banque mondiale. Je suis convaincu que le financement de 40 000 enseignants sera bientôt disponible”, a-t-il écrit sur son compte twitter. Le même diplomate a promis qu’on ne parlera pas de Joseph  Kabila dans une année.

Des flics et migrants d’Israël en Afrique

Israël mène une politique active sur la scène africaine en liant des liens solides avec plusieurs pays africains notamment l’Ethiopie et le Rwanda. (Crédits: Reuters)

Ces dernières années, Israël mène une politique active sur la scène africaine. “Israël a une politique africaine. Elle a noué des liens solides avec plusieurs pays africains notamment l’Ethiopie et le Rwanda. Tel Aviv demande aux états africains d’accueillir les migrants africains qu’elle a chassés de son sol. Israël propose en échange son expertise sur les questions de sécurité“, décrit le chercheur Bob Kabamba.

Ces dernières années, des sociétés privées israéliennes, chargées de la protection des hautes personnalités, œuvrent dans des palais présidentiels africains. “On trouve à la tête de ces sociétés des anciens du Mossad, les services secrets israéliens. Ces gens ne représentent pas directement l’Etat israélien”, précise Bob Kabamba.

Israël vend un autre savoir-faire, ses connaissances en matière d’agriculture et d’irrigation. Le goutte à goutte a été perfectionné par des sociétés israéliennes. Félix Tshisekedi a d’ailleurs annoncé un accord de coopération dans ce sens.

Le Mandat avec TV5MONDE

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